Prologue : traversée des Pyrénées Basques, été 2008

Sur ce tronçon de la HRP, mon idée était de tester ma première liste MUL (Marcheur Ultra Léger), établie après des mois d'errance sur un site internet d'extrémistes de la balance. Ce sera aussi ma première expérience de rando au long cours (et, j'espérais alors, pas la dernière), en compagnie de mon père et de mon frangin (tous deux équipés de manière plus conventionnelle...)

20 juillet 2008, jour 1 : départ d'Hendaye !
19 km ; pluie, pluie, pluie

9h00, nous voilà devant la mer, au casino d'Hendaye. Temps couvert mais température clémente. Juste avant Biriatou, il bruine un peu. Le temps d'atteindre le village, et c'est carrément une belle petite pluie qui vient nous accompagner !
On sort les ponchos pour l'ascension humide du Xoldokogaina puis du Mandale (avec bon vent latéral, youpi !) et c'est avec soulagement que nous voyons apparaître les ventas d'Ibardin !
Un petit arrêt s'impose pour le moral des troupes, puis nous repartons en direction de la Rhune. La pluie a cessé, mais le ciel reste menaçant. En chemin nous rencontrons un suèdois faisant la HRP. Il a opté pour la solution pantalon+veste imperméables : ça me fait réfléchir même si j'ai à ce moment ôté mon poncho.
Nous nous arrêtons vers 17h au carrefour des chemins situé au sud-ouest de la petite Rhune pour bivouaquer (à posteriori, il y a un meilleur emplacement de bivouak 200m plus loin, juste au-dessus de l'intersection la Rhune – Col de Lizuniaga).
Nuit sous poncho-tarp.

   Départ sous les nuages

 Premier bivouac


21 juillet 2008, ascension de la Rhune
13 km ; brouillard puis soleil

Après une nuit assez tranquille (juste une petite averse), la matinée est brumeuse. Mon frère et moi maintenons notre projet de gravir la Rhune, avant de retrouver le paternel au col de Lizuniaga.
La montée à la Rhune se fait rapidement, et une petite heure plus tard, nous sommes au sommet pour admirer un paysage somptueux... enfin, qui devrait l'être parce que nous sommes alors dans les nuages et c'est tout juste si on voit à 20 mètres ! Et dire que dans ces conditions nous croisons tout de même de nombreux touristes montés par le petit train... Moi pas comprendre ?!
Redescente sur le col de Lizuniaga où nous retrouvons notre père pour la pause casse-croûte.
Petite sieste puis direction le col de Lizarrieta. Le soleil est enfin là ! En chemin nous rencontrons Tom, un Polonais qui vient de s'élancer sur le GR11. Il demande s'il peut faire un bout de chemin avec nous. No problem, on n'est pas des sauvages !
Le sac de Tom : 28 kg !!! Et là encore, il est léger, parce que la dernière fois qu'il est parti dans les Carpates le Tom, il avait 7 kg de cartes avec lui !!!
Après une bière au bar du col de Lizarrieta, on plantera le bivouac quinze minutes plus tard, vers 17h (encore !) sur un replat à côté de l'abri indiqué sur le guide.
Vu le temps magnifique, je me dis que je me passerai bien du tarp. Allez, nuit en sursac !



22 juillet 2008, Col de Lizarrieta – Plano de Amezti
17 km ; soleil et chaleur

Ah, ah, ah ! Bon, ben pour la nuit à la belle étoile, on repassera. En court de nuit, en passant les mains entre mon duvet et le sursac, j'eus comme une mauvaise impression d'humidité... Bon, pas froid... on verra demain matin.
Et au réveil, pas de miracle : intérieur du sursac trempé (plus que l'extérieur) et idem pour le dessus du sac de couchage. Heureusement, je n'ai pas l'impression que l'eau a traversé jusqu'au duvet, le sac ayant bien conservé tout son gonflant.
Hypothèse : le sursac m'est un peu petit. Pendant la nuit (bien humide), la rosée est venue se déposer sur le sursac, et en bougeant j'ai bien dû tendre le tissu de celui-ci, favorisant le passage de l'eau vers l'intérieur du sursac. Si quelqu'un a mieux, je suis preneur... (à noter que cela aura été la seule et unique fois où je me serais retrouvé trempé dans ce sursac. Lors de toutes les autres nuits -sous tarp !- pas une trace d'humidité au réveil).

Heureusement, c'est une belle journée ensoleillée qui s'annonce et le sac de couchage sèchera très vite. La journée est même vite chaude, et la montée pour gagner les crêtes sous l'Atxuela verra les premiers signes de fatigue du pater.
La descente vers le plano de Amezti est sans difficulté dans de magnifiques sous-bois. On ne croise pas grand monde, à l'exception d'une jeune Espagnol qui s'est perdue. Sur sa carte elle nous montre son point de départ et celui où elle souhaite arriver. On lui indique où elle se situe, soit  TRES loin de son itinéraire, et nous lui indiquons comment le rejoindre. M'enfin, sans boussole, c'est sur que...

Au plano de Amezti, superbe aire de bivouac (enfin, quand les locaux ont déserté les lieux, abandonnant leurs poubelles sous les tables de pique-nique) : grand espace herbeux, fontaine... Ce soir, ce sera douche !
Soirée magnifique, et une nouvelle nuit sous tarp (je commence à y prendre goût), juste dans le drap de soie . Ce soir, c'est A-frame incliné.

Comparaison avec Tom de mon tarp et de sa tente de 3 kg...

A l'aube, les pottoks...

Ah, au fait, je vous ai pas dit : on était en train de dîner quand on a revu notre petite Espagnole descendre du sentier, boire une gorgée à la fontaine, puis aller discuter avec les fermiers un peu plus loin. Quelques minutes plus tard, elle repasse devant nous dans la voiture d'un local et nous salue en nous voyant, nous lançant un « I'm lost... again ! » désespéré...




23 juillet 2008, Direction les Aldudes via Elizondo
20 km ; soleil et grosse chaleur

Réveil avec les pottoks qui pointent leur nez dans le tarp !
Allez, ce matin, nous sommes matinaux : départ à 8h15, toujours en compagnie de Tom, lequel nous quittera en fin de journée à la séparation entre HRP et GR11.

Petit arrêt ravitaillement pour certains à Elizondo au bout d'1h30 puis on repart sur les sentiers. La journée est encore plus chaude que la veille. Jusqu'au col de Urbalo, pas un souffle d'air : les nombreuses sources sont les bienvenues pour se rafraichir un peu ! Le pater commence à vraiment fatiguer, les pauses se font de plus en plus fréquentes.

Arrivés au col de Urbalo, on plonge dans le surréaliste... deux Espagnols sont là, suivant le GR11 en direction de l'océan. Ils nous invitent à nous asseoir puis, quelques instants plus tard, l'un d'entre eux nous donne en mains divers instruments de musique (assez MUL quand même : micro cymbales, clochettes, crécelles...) puis sort un genre de hautbois fait en tuyau de plomberie. Il nous demande de faire le rythme et commence à jouer divers airs, improvisant des paroles... On commence à danser... bref, délire total !
Il n'empêche que cet arrêt nous aura fait le plus grand bien. Nous reprenons notre chemin, puis quelques minutes plus tard nous quittons Tom avant de descendre sur les Aldudes.

Longue descente sur les Aldudes, nous buvons un coup au bar de l'église, mangeons un peu, puis continuons notre route jusqu'au col Lepeder pour y passer la nuit.
Là nous sommes accueillis par des attaques en règle de taons affamés. L'orage menaçant, voilà qu'il me faut un bon quart d'heure (plus ? Ah bon...) pour décider de l'endroit où planter la tarp (ben oui, rien n'est plat ici et l'endroit est moucheté de belles grosses bouses qui viennent en plus limiter les options. Ah, ça non plus je vous l'ai pas dit : au Pays Basques, faut apprendre à randonner (et bivouaquer) dans la merde... tout un art (et merci la couverture de survie retaillée pour pas saloper le sursac !)

Bref, je me glisse dans le drap de soie trempé de sueur. Dans la nuit, la température descendant, je mettrai tout de même ma doudoune pour compléter.


24 juillet 2008, Aldudes – Col de Roncevaux
16,5 km ; brouillard et pluie

Réveil à 6h00 pour marcher à la fraîche et ne pas répéter l'erreur de la veille.
La nuit fut courte : les vaches se sont donné rendez-vous autour de notre bivouac. Et les vaches ici, elles ont toutes des cloches... L'avantage du tarp, c'est qu'on voit tout ce qui se passe... Et franchement, voir mon frangin se lever au beau milieu de la nuit et poursuivre les vaches avec son bâton de rando, ça vaut le détour ! Mais ici, elles ont de la suite dans les idées, et sont toujours revenues rapidement...

On part sans déjeuner, laissant le jour se lever. La pause sera ¾ d'heure plus tard, en cours de route. Toujours un temps maussade : le Pays Basque est magnifique, surtout sur ce tronçon, mais on n'en verra rien. Néanmoins la hêtraie se trouvant sur les crêtes dans la montée vers le Lindus est tout bonnement magnifique. C'est ici que Louis XIV venait choisir les mâts pour ses navires dit-on.

Long (très, trop ?) morceau d'asphalte vers le Lindus, puis Roncevaux (ça descend, mais quand même). La pluie refait son apparition et nous sommes bien content de pouvoir nous abriter devant la chapelle de Roncevaux !

13h15. Là, je sens comme un doute chez mes compagnons... L'envie n'y est plus vraiment : je continuerai seul.

Ma mère me propose de venir passer la soirée avec eux et de me remonter ici demain dans la matinée... Voyons, temps de chiotte à durée indéterminée ou bon bain, axoa et pelote basque ? Temps pis pour l'éthique ! A demain même heure !

Superbe journée !

Ambiance...



25 juillet 2008, Harpéa et affinités
28 km ; soleil puis... brouillard !

Ben si c'est pas ponctuel ça : le lendemain, 13h20, col de Roncevaux. Le soleil est là et moi aussi. J'en ai profité pour faire mon ravitaillement pour 4 jours, ayant décidé de m'arrêter à la Pierre St Martin.

Après une bonne nuit de sommeil (pas de vaches !) je me sens en pleine forme, et maintenant seul, je vais pouvoir marcher à mon rythme. J'avale rapidement la montée au col Lepoeder, croisant de nombreux pèlerins (la HRP est ici commune avec le chemin de Compostelle) : je n'irai pas jusqu'à dire que tous semblent apprécier leur pèlerinage... L'autoroute (et le soleil) s'achève au col de Bentarte un peu avant l'Urkulu. La HRP le contourne mais l'occasion est trop belle : j'y monte, profitant d'une éclaircie entre les nappes de brouillard.

Plutôt que de redescendre par le même chemin puis récupérer l'itinéraire qui contourne l'Urkulu, je décide de mettre à contribution mon image d'aventurier nouvellement acquise pour tirer plein est, espérant récupérer le tracé au col d'Orgambide...
Hum... je découvre que de ce côté, l'Urkulu présente de magnifiques lapiaz, le genre de découverte superbe par temps clair... ce qui n'est pas le cas à ce moment, le brouillard ayant choisi ce moment pour s'abattre sur ce lieu. T'en voulais de l'aventure ?  Après cela, je me jure de réfléchir à 2 fois avant d'improviser des itinéraires !

Un peu avant 18h00, j'arrive à la grotte d'Harpéa. Je comptais y bivouaquer mais j'ai encore envie de marcher. Allez, je franchis le ruisseau en contrebas, récupère tant bien que mal le sentier (après être descendu bien trop bas et avoir perdu une bonne demi heure ; t'as qu'à surveiller ton altimètre idiot !) et monte au col d'Errozate en faisant un véritable génocide chez la population taon locale (un tous les 4 ou 5 pas, ça fait beaucoup ?).
J'avais vu sur la carte qu'il y avait de nombreuses cabanes juste après le col. Mais en fait ces cabanes sont de véritables fermes bien construites et occupées. Je continue à avancer en cherchant un lieu pour bivouaquer et j'arrive ainsi au croisement des routes sous les crêtes d'Urkulu. A cette altitude et en bordure de ruisseau, j'appréhende déjà la nuit que je vais passer emmitouflé dans mon sursac. Juste au croisement, il y a une cabane (une maison, mais en moins imposant, c'est une cabane non ?). Pas de voiture autour, je vais voir. Tout est fermé, à l'exception d'une fenêtre, entrouverte avec une bouteille derrière chaque battant... Bizarre, le moindre coup de vent et les bouteilles tomberaient ! ? Bon, je vais pas les casser pour entrer, je me résous à m'installer près du ruisseau et tourne les talons. A ce moment, la porte derrière moi s'ouvre et une tête dépasse. Un randonneur s'y était déjà installé pour la nuit. Et bien on sera deux !

Nuit sur une table, dans le quilt (pratique pour ne pas tomber !)

La tour d'Urkulu dans la brume

Grotte d'Harpéa


26 juillet 2008, Vers les chalets d'Iraty
15 km ; brouillard brouillard

Lever à 7h00, départ à 8h00. Mon compagnon de chambrée s'appelle David et vient de Nouvelle Zélande pour faire la HRP. On décide de faire un bout de chemin ensemble. Et ça commence par 400 m de montée dans l'herbe humide et sous la pluie pour atteindre la crête d'Urkulu. Direction l'Okabé, pour un point de vue superbe sur les alentours, puis descente au chalet Pedro pour une tranche de gâteau basque.

Passage au plat d'Iraty puis montée vers les chalets. Ensuite, tirage de plans pour le lendemain... David est bien tenté de rejoindre le refuge de Belagua pour y bivouaquer. Sachant qu'il ne me reste que 2 jours, et ayant bien envie d'aller à l'Anie, je me laisse tenter pour doubler l'étape suivante : plutôt que de m'arrêter à la cabane d'Ardané ou même à Belagua, je vais essayer de rallier directement la Pierre Saint Martin dès demain...
Nuit ultra-confortable en refuge où la présence de nombreux randonneurs de GR10 surpris par la taille et le poids de mon sac sera l'occasion d'échanges intéressants sur la rando légère...


Encore un sommet dans le brouillard (Okabe)



27 juillet 2008, Iraty – La Pierre St Martin
38 km ; soleil !

Lever à 5h20, départ à 6h20. Peut mieux faire ! Notre premier objectif : le pic d'Orhy. A 10h00, après deux nouveaux petits déjeuner pour mon acolyte(une tradition Néo Zélandaise peut-être ?) nous sommes au sommet. Le paysage est splendide, et cette fois c'est pour de vrai, j'y vois enfin quelque chose !

Ensuite, on continue : Port de Larrau(d'où affluent les Espagnols), Gatzarrigaina, puis on reste à niveau sans descendre à la cabane d'Ardané. Ce qui m'inquiète, c'est qu'on est parti avec 2 litres d'eau chacun et qu'on ne sait pas quand on pourra refaire le plein !
Nous passons sous l'Otsogorrigaina, le Txardekagaina, au nord du Kartxela puis descendons enfin vers le refuge de Belagua, gourdes vides. Là nous y retrouvons le Suédois du premier jour.
Après avoir rempli les gourdes et vidé 4 popotes d'eau, souhaité bonne suite à mes 2 HRPistes, je continue mon chemin jusqu'à la Pierre St Martin.
Après 2 heures d'une route interminable et des obsessions de coca bien frais, me voici attablé au refuge Jeandel, la précieuse boisson entre les mains !

L'accueil est très sympa (la douche aussi d'ailleurs !) Je discute avec deux parisiens, Olivier et Marco, qui me disent partir demain vers l'Anie pour basculer (au sens figuré) sur les cabanes d'Ansabère. Nous décidons de partir ensemble.
Une fois encore, à la vue de mon tarp monté devant le refuge (trop crevé pour aller voir plus haut, et puis il est déjà 21h00 !) les discussions vont bon train. Le gardien n'avait jamais vu ça !!!

Soirée chasse au papillons avec 2 normands passionnés de ces bestioles. Très sympa, mais à 23h00, il est bien temps d'aller dormir !

Nuit sous tarp, avec quilt et sursac.



Lever de soleil et mer de nuage (sur la photo, David le kiwi).


Le pic d'Orhy

Sommet de l'Orhy

On ze road again !


28 juillet 2008, le Pic d'Anie
15 km ; soleil

Lever 5h15, départ à 6h00.
Au lieu de prendre l'itinéraire habituel, nous passons par les lapiaz du SoumCouye, sous l'impulsion d'Olivier. Au final, le chemin n'est pas plus long, mais d'une beauté étrange : après une semaine dans la verdure basque, me voici de plein pied dans un autre monde, bien plus minéral, plus austère aussi. Nous retrouvons finalement le sentier de montée au col d'Anie, puis à l'Anie, sous le sommet duquel je quitte mes deux compagnons pour finir seul la montée au sommet.

En haut, la vue est splendide : Lescun en contrebas, l'Ossau plus loin et tant d'autres sommets... Un avant goût de ce qui m'attend dans la prochaine partie de cette traversée, laquelle aura lieu je ne sais quand.


Dans les lapiaz


Le pic d'Anie


Voilà, première rando MUL accomplie.
Beaucoup de bon moments, de rencontres... Beaucoup de plaisir à avaler les kilomètres sans effort grâce à un sac ultra léger.

Liste d'équipement publiée ici